Certains artistes ont à résoudre des questions infinies, au point qu’ils s’y attachent comme au grand oeuvre de leur vie : c’est une rumination intérieure qui ne cesse pas. Depuis qu’il a posé le pied sur une piste de cirque, Johann Le Guillerm est du nombre. Peut-être même déjà avant sa naissance se demandait-il gravement, front plissé, regard songeur : « Qu’est-ce qu’un point ? »
Naissance d’un univers qui n’a plus fini de grandir. Il n’en a plus bougé depuis, quelles que furent les couleurs d’une carrière déjà longue (ex-Archaos, ex-Volière Dromesko, ex-Cirque O, enfin Cirque ici, son enseigne actuelle et exclusive). D’ailleurs, ça ne pouvait plus s’arrêter. Qu’est-ce qu’un point dans l’espace ? En fait-on jamais le tour ? Ce point n’accède-t-il à une quelconque existence que lorsqu’il est en mouvement ? Contient-il à l’intérieur de son noyau les conditions de cette mise en mouvement ? Et si le corps d’un individu est la somme des points qui le composent, alors, cela veut-il dire que les questions susdites s’appliquent à celui-ci ?
Invité cette année, comme en 2004, au festival d’Avignon, Johann Le Guillerm en aura été de bout en bout l’une des présences les plus insistantes et les plus familières. Comme s’il était devenu le grillon du foyer. Un spectacle, Secret, une exposition, « Monstration », des sculptures disséminées dans la ville, « Architextures », un objet en passe de basculer dans le mythe, « La Motte » : l’ensemble étant regroupé sous le terme générique d’« Attraction ». C’est que le cirque selon Le Guillerm est un univers en expansion autant que l’univers en réduction. Alors, son corps cuirassé au centre de la piste, presque intemporel, capable de soumettre à ses volontés le bois et le fer, n’est pas différent, lorsqu’il se met en mouvement, de cette « Motte » herbeuse, elle aussi en mouvement, que l’on a longtemps crue chimérique et dont le tracé sur le sol fait maintenant surgir une écriture.
Au fil des ans, en creusant toujours plus profond à l’intérieur du point, comme s’il s’agissait d’un puits artésien, Johann Le Guillerm a créé une mesure des choses et du temps. Un langage à venir, une oeuvre pour aujourd’hui, parmi les plus insondables qui soient. Quand on y pense, la poésie n’est pas autre chose.
Daniel Conrod
Tout les renseignements sur l’exposition son sur le site : www.lafriche.org
Et si l’expo vous questionne, je pense que c’est normal ! Ici un site avec quelques réponses : complexitys.com